Il faut arriver à Kyoto à vélo depuis le sud-est, un soir de décembre, sur la piste cyclable de Nara à Arashiyama, alors que le vent déferle du nord-ouest, ébouriffant la Kisugawa, pour comprendre pourquoi la villa a été choisie comme capitale impériale, en 794, par l'empereur Kammu sous le nom d'Heian-kyo (la capitale de la paix). On voit peu à peu les montagnes bleues se dresser, dominées par la cime du Hieizan, et vous encercler. En observant la carte, on voit bien que Kyoto occupe une position stratégique entre est et ouest, nord et sud de l'archipel. La ville, sise dans sa cuvette, défendue par les sommets de toutes parts, se situe dans une position d'isthme entre la mer du Japon et l'océan Pacifique, que ne séparent qu'une centaine de km. De plus, la mer intérieure est toute proche qui commence de l'autre côté de l'île-pont d'Awaji, laquelle ferme à l'ouest la baie d'Osaka. En outre, le lac Biwa, autre mer intérieure, est également très proche - Otsu, à la pointe méridionale du lac, aujourd'hui englobée dans la tentaculaire Osaka-Kyoto-Kobe, fut d'ailleurs la première capitale impériale, avant Nara, de 667 à 710. Enfin, la ville est arrosée par d'abondantes rivières qui se pressent vers l'océan et confluent en dessinant des triangles parfaits, figure récurrente de la géographie nippone : Kamo et Takanogawa, Kamo et Katsuragawa, Katsura, Uji et Kizugawa trifluant pour accoucher de la Yodogawa, le fleuve formant la baie d'Osaka. On peut comprendre qu'entre ces montagnes et le long de ces rivières, à l'écart de la mer, des pirates et des tsunamis, le fils du Soleil pouvait rêver de régner sur tout l'archipel. Le principal inconvénient de cette situation stratégique est climatique : il ferait très chaud l'été, paraît-il, dans cette cuvette ; il y fait très froid l'hiver. Contrairement à Tokyo qui est ventilée l'été par l'air du Pacifique et protégée l'hiver des vents sibériens par la masse énorme des Alpes japonaises. On comprend alors pourquoi le shogun préférait Edo, mais le cycliste - surtout du gabarit grimpeur - préférera toujours Kyoto.