Volcan paravent
N'étant pas venu à la bonne saison pour gravir Fuji San (la route est fermée depuis octobre), je rêvais de faire l'ascension d'un volcan, dans un pays qui en compte des centaines dont 110 actifs. J'ai choisi le mont Unzen sans rien savoir de son histoire, juste parce que c'était le plus proche de Nagasaki. Je n'ai pas été déçu : les enfers d'Unzen, où la roche jaunâtre à verdâtre est sans cesse détruite par les émanations du stratovolcan et réduite à de la boue blanche, dans un délire de vapeur et d'odeur de soufre, valent bien ceux de Hokkaido, la neige en moins. Aujourd'hui, une dame aux ongles de sorcière vous y sert des œufs bouillis dans le geyser mais il y a 4 siècles, c'étaient les Chrétiens non repentis qu'on y faisait bouillir vivants, comme en témoignent les gravures conservées au château de Shimabara. Toute la péninsule de Shimabara (plus vieux parc naturel du Japon) est ainsi ponctuée de tragédies liées au volcan le plus actif et le plus menaçant du pays. En 1792, une éruption entraîne un glissement de terrain qui percute l'océan et entraîne à son tour un tsunami : 15000 morts, la pire catastrophe d'origine volcanique du Japon. 20 ans plus tard, en 1812, Ino Tadataka (alors âgé de 68 ans) parvient au pied du volcan, fait le tour de la péninsule à pied avec son équipe et cartographie les conséquences de l'éruption. En novembre 1990, le volcan se réveille de nouveau. Pendant 2000 jours il va bombarder la presqu'île de nuées ardentes digne du Vésuve et faire bondir son cône éruptif de plus de 150 m. Maurice et Katia Krafft, éminents vulcanologues français, y seront tués, leurs corps rendus méconnaissables sous l'épaisse couche de cendres. On peut encore voir les maisons ensevelies par les coulées de lave. Aujourd'hui ce sont des nuées de serres où l'on cultive de tout qui dévalent du volcan, lequel envoie toujours dans le ciel ses signaux de fumée. Mais les hommes voudront toujours tirer parti d'un volcan - il faut dire que sans les volcans le Japon ne serait tout simplement jamais sorti des eaux. De mon côté, il m'aura abrité d'un vent du nord-est pire que le mistral et m'aura réchauffé les pieds une fois arrivé sous le sommet.