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l'araignée givrée
29 février 2024

Nagasaki sous la pluie

Quel souvenir garder de Nagasaki sous la pluie ? Vous pouvez chercher longtemps un parking à vélo ici, vous n'en trouverez pas. Les pentes vertigineuses, les dalles de pierres glissantes, la mousse qui s'épanouit partout et transforme les rues en pistes de bobsleigh à la première averse ont fait renoncer le plus assisté des cyclistes. J'ai compris aujourd'hui pourquoi Toshihito, mon hôte, s'inquiétait de me voir arriver à vélo et insistait tant pour me promener en voiture. J'ai fait le malin bien sûr : un grimpeur c'est fait pour grimper donc pas de problème pour arriver sur les hauteurs de la ville à condition de forcer sur les mollets dans les raidards à 20%. Le plus dur c'est d'en redescendre. On a donc inventé ici des skyroads : escalators et ascenseurs urbains qui vous font passer du rdc du port aux jardins suspendus où les Occidentaux faisaient ériger leurs cottages en bois avec veranda. Nagasaki, premier port ouvert au reste du monde et qui fonctionna pendant 300 ans comme le seul sas reliant le Japon à l'Europe, via l'île artificielle de Dejima, est avec Hakodate une des villes où l'on peut imaginer ce que serait devenu le Japon s'il avait été colonisé. L'ironie du sort étant que ce fut cette ville, justement, symbole d'ouverture et de métissage, qui fut choisie par les Américains pour expérimenter leur bombe et montrer aux Russes de quel bois ils se chauffaient au prix de 60 à 80 000 morts. Le musée de la bombe atomique est d'ailleurs très instructif. Renonçant au pathos du mémorial d'Hiroshima, moins couru par les touristes en mal de sensations, il renseigne très bien sur le déroulé des faits et sur les conséquences des radiations, si bien qu'on parvient un peu moins mal à imaginer ce qui s'est passé le 9 août 45. Et l'on repart avec quelques images et quelques témoignages : le visage noirci de la Vierge d'Urakami, la silhouette de cette femme se tenant debout à côté d'un corps carbonisé, le regard de cet enfant portant sur son dos le cadavre de sa petite sœur avant qu'elle soit incinérée, une photo que m'avaient offert des militants antinucléaires à Kyoto et dont je réalise à présent qu'elle a inspiré le Tombeau des lucioles.

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