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l'araignée givrée
16 décembre 2023

L'invention du Japon : Ino Tadataka (1745-1818)

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Voici quelques aperçus du travail de l'homme qui a inventé le Japon dans la forme que nous lui connaissons. Ce que j'aime dans les cartes d'Ino Tadataka, c'est qu'elles réconcilient la plus grande précision scientifique de son temps et le plus haut souci esthétique. Ino, dont tous les Japonais apprennent la vie romanesque à l'école, est considéré dans certains livres comme un maître du dessin, l'égal d'un Hokusai ou d'un Hiroshige, ses contemporains. Ses cartes, qui sont reconnaissables par leur liseré rouge indiquant tous les lieux que le géographe a arpenté en 17 ans, parcourant près de 40 000 km le long des côtes du Japon, sont de petites merveilles artistiques et scientifiques. Sur ces cartes où les littoraux sont représentés vus du ciel et les montagnes vues du sol, Ino hésite sans cesse entre chorographie et topographie, relevé géodésique minutieux des distances d'un point à l'autre et restitution de l'émotion que procure l'observation d'un paysage. On sent bien qu'il ne peut pas résister à la tentation de dessiner quelques détails enchanteurs : la silhouette dun temple bouddhique ou d'un torii shintô, la fumée qui s'échappe du cratère d'un volcan, le profil d'une forêt remarquable, le lacis d'un delta. La géographie est alors encore quelque chose de magique. Avant cette invention du Japon, l'archipel ressemblait sur les cartes à un amas de tubercules assez informes. Hokkaido (Ezo) était encore absent des cartes ou rattaché à Sakhaline, aux Kouriles, voire au Kamtchatka. Contrairement aux Cassini qui a la même époque donnent à la France son visage actuel, Ino n'est pas un géographe de cabinet et encore moins un aristo ; fils de pêcheur, c'est un self-made-man, un autodidacte qui affronte la géographie de plein vent, qui grave l'archipel dans son corps et en paie le prix. Pour parler comme Nicolas Bouvier qui arpentera l'archipel 150 ans plus tard, il apprend à tous l'usage du Japon. Et en chemin, il donne à son pays un corps et un visage grâce à ses cartes qui sont un peu devenues la peau du pays, une peau de papier, terriblement belle et terriblement fragile.
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