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l'araignée givrée
18 octobre 2020

Pas de Toussaint pour Samuel

 

Capture-decran-2020-10-17-a-20Texte publié dimanche 18 octobre sur le site de Libération : https://www.liberation.fr/debats/2020/10/18/pas-de-toussaint-pour-samuel_1802720?fbclid=IwAR0qDMIBCVWj_46digdbY6r16fqPPM91upv5fs-ObNhQvb9dekDPeDyTVxU

À la fin de Sabre, mon dernier roman, Samuel V., le narrateur, prof d’histoire-géo en banlieue parisienne qui vient de passer les vacances de la Toussaint 2015 à la recherche du sabre disparu de son grand-père et rentre à Paris en train de nuit fait un cauchemar : il rêve que des chevaliers vêtus de noir brandissant des étendards frappés du sceau du Prophète et du sabre de Mahomet font dérailler son train et s’attaquent aux voyageurs survivants qu’ils agenouillent sur le bitume et décapitent à tour de rôle, à coups de sabre. Il comprend alors que le sabre qu’il a cherché, le sabre disparu le jour de l’enterrement du grand-père était le sabre d’une France désarmée, à l’intérieur de ses frontières, face aux menaces du nouveau siècle, et notamment face au péril islamiste, qu’elle combat pourtant sur les autres continents, et notamment en Afrique.

J’ai enseigné pendant quatre ans l’histoire-géo en banlieue parisienne, tout près des lieux du meurtre, et j’ai fait parfois ce rêve terrible et effrayant que des fanatiques venaient me décapiter à la sortie des classes pour avoir montré des caricatures du Prophète. Samuel P., 47 ans, prof d’histoire-géo au collège du Bois d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, a dû faire parfois, ce rêve. Il a dû se réveiller plusieurs fois en sursaut comme après une longue apnée, le souffle court, le cœur bondissant, la nuque ankylosée, les bras tremblants, les jambes flageolantes. Il a dû réveiller plusieurs fois sa compagne ou ses enfants, qui se sont peut-être inquiétés de ses cauchemars, de ses insomnies. Il ne se réveillera plus. Il ne réveillera plus sa femme ni ses enfants. Son corps et sa tête tranchés par une lame de boucher reposeront bientôt dans un cercueil tandis que l’image de sa tête sanguinolente fera le tour du monde puisque son assassin l’a filmée et l’a partagée sur les réseaux sociaux, au cas où le Prophète surferait sur Facebook, Twitter ou Instagram.  Il n’y aura pas de Toussaint pour Samuel P., qui devait se réjouir, la veille des vacances, de profiter de cette dernière soirée avec sa femme, ses enfants et ses amis, avant le couvre-feu instauré par le gouvernement.

Car à l’heure où toute la nation se focalise sur un petit virus très virulent, certes, mais qui n’a jamais eu la moindre intention de nous déclarer la guerre, le drame survenu hier aux confins du Val d’Oise et des Yvelines vient nous rappeler qu’il y a bien pire ennemi pour la France et pour le genre humain. Cet ennemi s’appelle le fanatisme. Cet ennemi est fait d’hommes, de femmes et d’enfants qui défient les lois de la République et s’en prennent à nos juifs, à nos prêtres, à nos dessinateurs, à nos journalistes, à nos policiers, à nos militaires, à nos enseignants. Notre président de la République nous a déclaré hier qu’ils ne passeront pas alors qu’ils sont déjà passés plusieurs fois et qu’ils ont frappé de nouveau à la porte de Charlie Hebdo, il  y a quelques jours, armés d’un hachoir. Faut-il rappeler à Emmanuel Macron qu’ils passeront encore car ils sont légion ? Qu’ils ont assassiné les enfants du lycée juif Ozar Hatorah, les dessinateurs de Charlie Hebdo, les clients d’un Hypercasher, les spectateurs du Bataclan – qu’il y assez de noms aujourd’hui, pour ériger en France un monument aux morts de la guerre menée sur notre sol par le terrorisme islamiste ?  

Hier vendredi 16 octobre, Emmanuel Macron a perdu deux fois les élections présidentielles. Sauf miracle, nous savons désormais qui lui succèdera en 2022. Il a perdu pour avoir instrumentalisé une menace virale en instaurant le couvre-feu pour vingt millions de Français au lieu d’investir des millions d’euros dans l’hôpital public. Il a perdu pour avoir laissé un professeur se faire assassiner dans la rue après avoir été lynché sur les réseaux sociaux. Car il faut le dire ici, Samuel P était menacé, Samuel P savait qu’il risquait sa vie en faisant le plus beau métier du monde qui est devenu, dans nos banlieues, l'un des pires métiers, peut-être avec celui d’infirmière. Il avait averti ses collègues, il avait averti ses supérieurs hiérarchiques, il avait averti son syndicat, il avait averti le rectorat. On lui avait répondu de ne pas faire de vagues.

L’éducation nationale, nous le savons tous, c’est un train qui déraille, comme déraille la santé publique. Les professeurs aujourd’hui masqués, humiliés, surveillés, oppressés, fatigués, harcelés, sont les passagers captifs et vulnérables de ce train rouillé et verrouillé qui court à sa perte. Ils nous ont alerté plusieurs fois et nous ne les avons pas écoutés. Moi, Emmanuel R, comme beaucoup d’enseignants, soit par péché de jeunesse, soit par manque de discernement, j’ai été lâche, j’ai été complice, j’ai eu peur de mes élèves et de leurs parents, j’ai laissé les quolibets antisémites fuser dans une salle de classe, je me suis tu, j’ai fermé les yeux, j’ai pratiqué l’autocensure, j’ai tout fait pour ne pas faire de vagues. Et je n’aurais jamais montré une caricature de Charlie Hebdo à mes élèves, de peur des représailles.

Il paraît que l’assassin est un Tchétchène de 18 ans. Il est mort hier soir, abattu par la police dans la rue, où il se promenait avec son couteau de boucher, plusieurs heures après le meurtre. Mais cet assassin a des complices – voire des commanditaires. Ces complices ne sont pas des fous ni des crétins. Ce sont des fanatiques qui savent ce qu’ils font et qui expriment leur haine sur les réseaux sociaux à visage découvert, et qui appellent au djihad en indiquant à  toutes et à tous leur numéro de portable. Ces complices ont des alliés de circonstance et des idiots utiles, qui préfèrent la loi du silence à la passion de la lumière.

J’accuse M. Brahim Chnina, parent d’élève, ainsi que tous les parents d’élèves qui ont participé au lynchage de Samuel P, d’appel au meurtre et de complicité de meurtre. J’accuse M. Hajj Brahim, imam de la mosquée de Pantin, et M. Abdelhakim Sefrioui, militant islamiste, d’appel au meurtre et de complicité de meurtre. J’accuse Mme la principale du collège du Bois d’Aulne de non-assistance à personne en danger. J’accuse Mme Charline Avenel, rectrice de l’académie de Versailles, de non-assistance à personne en danger. J’accuse la secrétaire générale du syndicat SNES-FSU de non-assistance à personne en danger. En portant ces accusations, je n’ignore pas que je me mets sous le coup de la loi qui punit les délits de diffamation.

Le temps est venu de dire assez et d’instruire le procès de l’affaire Samuel avant que l’éducation nationale ne soit salie comme le fut l’armée française par l’affaire Dreyfus. Il faut que toute la lumière soit faite sur cette affaire car il est inadmissible qu’on puisse être ainsi exécuté, en France, et en pleine rue, pour avoir simplement enseigné la liberté, l’égalité et la fraternité.

Commentaires
F
Oui il faut agir. Cesser d'applaudir, de pleurer, de dessiner des fleurs et des guirlandes de paix et agir pour du bon !
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