La terre a tremblé au Japon où l'année a commencé sous le signe du dragon. Le gros poisson-chat s'est secoué 21 fois en l'espace d'1h30 jusqu'à la magnitude de 7,6 sur l'échelle de Richter et j'étais comme souvent à vélo lorsque les secousses ont été ressenties à Kyoto, qui se trouve à 200 km à vol d'oiseau de l'épicentre, la péninsule de Noto. À l'heure où j'écris ce message, 6h du matin ici, il y aurait 4 morts et plusieurs blessés dans la préfecture d'Ichikawa, sur la mer du Japon. 33 500 foyers ont été privés d'électricité après les séismes. Des vagues de 3 à 5 m de haut étaient attendues mais il semblerait à présent que le risque de tsunami soit écarté même si les secousses perdurent sur les côtes. Je vous remercie de vos messages mais je n'ai rien ressenti, pas la moindre secousse. J'étais sans doute trop occupé à regarder des enfants tentant de remettre un Shinkansen miniature sur ses rails - une conséquence des secousses dans ce pays où normalement rien ne déraille ? -, dans un centre commercial, en attendant d'entrer dans la salle où serait projeté "Perfect days", le film de Wim Wenders. C'est donc dans l'obscurité que j'ai reçu vos messages sur ma montre connectée, mon cadeau de Noël, que j'ai dû retirer pour rester concentré. L'archipel ne vit pas vraiment des jours parfaits même s'il est habitué hélas à ces soubresauts de la planète, lui qui tend son arc sur 4 plaques tectoniques. À la fin du film, il y a un moment où la caméra vibratile de WW, ne fait rien d'autre que cadrer, sur un plan quasi fixe qui dure quelques bonnes minutes, le visage de l'acteur Koji Yakusho en train de conduire le petit van qui le mène d'un WC public à l'autre. Il écoute "Feeling good" de Nina Simone et son visage parvient à exprimer toutes les nuances de sentiments, du désespoir le plus noir à la joie la plus radieuse en faisant seulement frémir sa moustache, ses lèvres, son nez, ses sourcils, oscillant la tête au rythme de la musique, et c'est alors comme si le spectateur pouvait déchiffrer toutes les épreuves de sa vie, comprendre d'où il vient, où il va, ce qui l'anime. On en sort bouleversé avant de se reconnecter.