confluence imaginaire
faire confluer le Rhône et le Dniepr via la Desna (cet affluent que Dovjenko, le cinéaste et romancier soviétique, fit chanter sur sa pellicule), tel était le projet d'une nouvelle, le Roi des Lônes.
aujourd'hui, je reprends ce projet sous une forme (carto)graphique inédite afin de prolonger une pratique de l’écriture par une pratique du dessin ; et je partage l'ensemble ici grâce au blog, grâce à Internet qui mériterait alors son surnom de toile (d’araignée) et accomplirait un vœu de "connexion infinie/illimitée" (Hölderlin)
1) décalquer deux cartes topographiques au 1/25 000e (une française, une soviétique)
2) se servir de l'écorce déchirée d'un jeune bouleau et l'étaler sur le papier comme les ruines, les vestiges, les éclats de mosaïque d'une carte ancienne. Retrouver le craquelé de la peinture.
3) superposer les linéaments décalqués des fleuves sur cette peau striée, stratifiée, parcheminée - avec le peuplier, l'aulne et le saule cendré, le bouleau est un des arbres qui se retrouvent dans ces deux paysages d'Europe qui ne sont pas si lointains et qui sont rendus plus proches encore par une certaine qualité de la lumière, par la couleur de l'eau, la présence de sables mouvants et l'abondance des bras morts et des tourbillons
4) varier les échelles et les points de vue - panoramique et paysager, à fleur de nuage et à fleur d'eau ; encadrer pour cela la carte obtenue de deux grands bouleaux voyeurs qui lui donneront une profondeur (et s'inspirer pour cela de deux grands bouleaux de Sibérie, comme on en trouve sur l'île Trukhanov à Kiev)
5) découper des fragments de la nouvelle et les disperser comme des pièces de puzzle au long des bras vifs et des bras morts de ce drôle de corps cambré, digitalisé, ramifié, qui s'enfle par endroits d'une lourdeur et d'une lenteur de belle plante - remplacer la toponymie absente par cette nomenclature rêveuse
6) ouvrir sa boîte d'aquarelle et relier le tout par des couleurs - toutes les couleurs irisées de cet archipel intérieur. Faire en sorte que le motif ne se dévoile pas complètement : ce qui doit l’emporter, c’est une certaine idée du mouvement, une rythmique, une musicalité qui surgirait de l'agencement des couleurs, de l’empilement des strates, de la succession des striures, de la rugosité du grain
7) enfin, ne pas oublier les chiffres et les symboles afin de composer une légende hybride pour que cette confluence imaginaire trouve le sens que le souvenir lui confère dans le hublot de la mémoire