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l'araignée givrée
26 décembre 2023

Trois jours radieux à vélo dans Kyoto

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Trois jours radieux à vélo dans Kyoto, du Temple de l'eau pure au Pavillon d'or, en passant par le Château shogunal et le Palais impérial. Le pouvoir spirituel au pied des montagnes, tout autour de la ville, balcon en forêt comme au Kiyomizu-dera qui jette ses pilotis sur l'abîme ou miroir d'eau parmi les pins comme au Kinkaku-ji dont le troisième étage vibre sous les jeux de lumière du soleil, de l'or et de l'étang. Le pouvoir temporel au milieu de la cuvette quadrillée à la chinoise, ceint de hauts murs, demeure inatteignable car on n'en visite que les abords et les jardins, Versailles ne se livre pas au regard des touristes, nul ne verra la chambre et le lit de l'empereur pourtant absent de la ville de ses ancêtres depuis un siècle et demi, on ne visite que les jardins fléchés et à heure fixe, badge numéroté autour du cou, quant aux peintures du château de bois et de papier, ce sont souvent des copies, dont on ne verra les magnifiques originaux de Kano Naonobu, patinés par les siècles, qu'en payant un extra pour accéder à la galerie qui les conserve. On se déchausse partout, on avance à pas feutrés, les photos sont interdites, le plancher chante comme un rossignol sous les milliers de pieds des touristes, les tigres dansent sur les parois, les grues s'envolent, les cerisiers se contorsionnent sous la neige et lorsqu'on tente un demi-tour pour revoir une scène sous un autre angle, on se fait gentiment rabrouer. On comprend qu'on aura beau rester des années, on ne fera qu'effleurer cette scène fascinante qui se déploie sous nos yeux, aussi incompréhensible qu'un épisode de noh ou de kabuki, parlant cette langue inconnue qui combine les signes mais on est rassuré parfois en apprenant qu'il n'y a rien à comprendre, rien à déchiffrer, comme en lisière de ces jardins zen qui n'ont pas été conçus pour l'agrément du pied ou de l'œil mais pour celui de l'âme : méditer seulement et se taire, s'emplir de cette beauté nue, de cette lumière qui brûle les joues comme la neige et apaise l'âme comme la mer, mer et neige limitées, cernées, encadrées, ratissées. Alors tout nous apparaît comme si l'on était sur le rivage d'une autre vie, parti très loin, incapable de revenir.

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