Le temps suspendu au Shisen-do
Au Shisen-do où le samouraï Jozan Ishikawa (1583-1672), devenu moine et philosophe, se retira pour se vouer au bouddhisme zen et à l'étude de la poésie chinoise, le surnaturel règne en maître, en particulier une douce après-midi de novembre, lorsque les derniers flots de lumière floutent les feuillages et que les ombres étendent peu à peu leur empire sur le karesensui (jardin sec) dessiné par celui qui enterra ici son épée, au propre comme au figuré, comme en témoigne la forme de la petite pagode en pierre, qui évoque la poignée d'un katana. Les momiji (érables japonais) jettent leurs derniers feux sur le jardin sec et sur l'étang peuplé de carpes un peu craintives qui détalent à l'approche de mon ombre. Je n'étais pas le seul venu admirer le spectacle de l'automne sur les tatamis de l'ermitage, nous étions même nombreux mais les yeux ne parlent pas et dans la paix méditative des touristes japonais on entendait bien distinctement le tap-tap de la fontaine en bambou shishi-odoshi comme dans la scène de combat contre O-Ren Ishii dans Kill Bill.