Errer dans Tokyo
Errer dans Tokyo de musée en musée et de galerie en galerie, parfois au neuvième étage d'un building de Shibuya, au milieu des magasins de prêt-à-porter, c'est le meilleur moyen de découvrir l'art moderne et contemporain nippon, de voir des œuvres d'artistes dont on n'a jamais entendu parler en Europe, et qui confirment l'idée que le Japon est le pays du dessin. Tout est dessin au Japon, tout invite au dessin, dessin des regards, dessin des corps, dessin des vêtements, dessin des gestes, dessin des écritures, dessin des jardins et des architectures, dessin des emballages qu'on n'ose jamais jeter et qu'on finit par collectionner, dessin des enseignes, dessin des photos, dessin des affiches et des prospectus qui envahissent l'espace urbain, dessins d'art qui rappellent que l'héritage de l'ukiyo-e n'est pas seulement à chercher du côté des mangas et des films d'animation, aux images souvent produites à la chaîne, aux graphismes souvent stéréotypés. Les esquisses de Kanokogi Takeshiro prises sur le vif il y a 100 ans lors du terrible séisme du Kanto, par leur épure et leur simplicité, résonnent fortement aujourd'hui, alors que le bilan du séisme de Noto s'élève à plus de 100 morts, 200 disparus et 300 blessés. Le grand rouleau dessiné en 1934 sur les berges de la Sumida par Fujimaki Yoshio se lit comme une longue bande dessinée muette. Les aquarelles urbaines de Nakano Jun, les irisations bleues de Kusanagi Shinpei qui laissent surgir sur la toile des Fuji fantômes, les 36 vues de Takashi Homma qui chasse le volcan sur les toits de la capitale, les fantasmagories de Yokoo Tadanori, les Quick paintings de Koji Yamaguchi, le peintre-skater de la vie quotidienne, dessinent un portrait tremblant de Tokyo, la ville effervescente.