Zipango
Petite histoire des représentations du Japon à travers les cartes. On sait qu'avant Marco Polo, personne n'avait jamais entendu parler de cette île que le bonimenteur vénitien appelait Zipango et disait si riche en or que tout, les toits, les façades, les pavés y était couvert de 2 doigts de ce métal précieux. On sait aussi que si Christophe Colomb n'avait pas cru dans les bobards du Vénitien, et s'il n'avait pas possédé un portulan localisant Zipango à la place de Cuba, il n'aurait jamais découvert l'Amérique. Lui au moins mourut persuadé d'avoir atteint son objectif. Pour ma part, j'aurais préféré découvrir Zipango avant d'avoir découvert le Midwest mais que voulez-vous, c'est ainsi, pas moyen de rembobiner cette histoire. Les Européens ont mis longtemps avant de comprendre que le Japon ne s'appelait pas Zipango et qu'il n'était pas une île mais un archipel. Jusqu'à la toute fin du XVIe s, toutes les représentations qu'ils en donnent sont exagérément fantaisistes, et bien sûr personne n'envisage l'existence d'une île comme Hokkaido. Pendant ce temps, les Japonais, eux, cartographient leur archipel depuis le VIIe s et la pénétration du bouddhisme, car il faut bien savoir qu'elle île est à quel daimyo dans ce formidable puzzle. Les cartes dites Gyogi du nom d'un moine cartographe de Nara prennent la forme de puzzles aux frontières internes bien délimitées dont le centre est toujours Kyoto, cœur de l'archipel dont partent toutes les routes. Puis, via Nagasaki, grâce aux jésuites portugais et aux marchands hollandais, art nippon et science européenne s'hybrident au point que le grand peintre Kano, au début du XVIIe s, peut réaliser cette merveilleuse carte-paravent où un Japon d'or flotte parmi des nuages d'or. À l'époque d'Edo, la Pax Tokugawa règne sur un Japon fermé pendant 250 ans, et les cartes deviennent à la mode dans l'archipel : on les retrouve sur des boîtes de médecine, des tsuba, des netsuke, chaque artiste de l'ukiyo-e rivalise d'audace pour proposer sa vue panoramique embrassant tout l'archipel. C'est alors qu'un fils de pêcheurs devenu brasseur de saké puis astronome amateur se met en tête de mesurer un degré de latitude terrestre...