chair de bouleau
hier, à la recherche de ces morceaux d'écorce que j'ai pris la manie de détacher à la main sur les flancs des jeunes bouleaux, j'ai trouvé en forêt de Carnelle un pan entier de bouleau, comme un fragment de tronc que je peux écorcher à ma guise (pour retrouver sous la pellicule blanche la couleur même de la chair) et sur lequel je peux raconter une deuxième fois cette histoire de course-poursuite à travers les hêtraies de Transcarpathie. Extrait de la nouvelle "Au pays des zêtres" à paraître un jour dans le recueil Dernières nouvelles de la frontière :
On n'a pas retrouvé le tronc, on n'a pas retrouvé le tronc : la phrase me hanterait toute la soirée, le lendemain, le surlendemain. Impossible de la chasser de mes pensées. Je repensais à des histoires que me racontait ma tante, de jeunes filles qui étaient allées prendre l'air comme on dit, mais que l'air avait fauchées.
[...]
Qui de nous trois avait eu l'idée de ce jeu dangereux ? Jouer à cache-cache entre les troncs de hêtres ! Nous épier dans le clair-obscur des sous-bois ! Nous lancer dans cette course poursuite effrénée sur les pentes glissantes d'humus et ravinées par les pluies torrentielles ! Au risque de nous empaler à tour de rôle, de nous rompre les os, de verser dans le précipice ! Hohé Katia ? Hohé Kolia ? Qui va là ? Quelles sont ces silhouettes qui tournoient là-bas à flanc de coteau et s'avancent dans le paysage hachuré d’ombre et de lumière ? Des sangliers ? des loups ? des ours ou des gloutons ? Déjà les chiens de la battue ? D’où viennent ces sifflets, ces coups de feu, ces aboiements ? Et qui s’élance soudain vers moi et me tend la main ? Kolia ? Katia ? Qui me tend cette main ligneuse, écorchée-vive ?