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l'araignée givrée
13 avril 2012

la jeune fille au narval

 

Edwarda-Sept-Fatalement-couverture

La jeune fille au narval, nouvelle parue en avril 2012 dans Edwarda n°7 

 

http://www.edwarda.fr/catalogue/revue/sept-fatalement/

 

extrait

 

[...]

 

 

Fatale ! fatale ! fatale ! fatale ! Enfin lâché, le mot avait retenti des milliers de fois sur la glace étale et le ciel cristallin le reprenait en écho, le faisait rebondir d’un bord à l’autre de l’horizon, fatale ! fatale ! fatale ! fatale !, c’était comme un ricochet infini de la même parole gelée et j’imaginais que là-bas, de l’autre côté, toute la Scandinavie rêvée reprenait à son tour ce mot, l’entonnait en chœur avec un petit accent guttural, fatale ! fatale ! fatale ! fatale !, comme si Vlad avait prononcé là une vraie parole d’oracle, disant on croirait un ange mais elle cache une femme fatale, tandis qu’elle s’éloignait, nous hélait des bras dans le brouillard givrant, sa voix entrecoupée

Ho     hé      ho     hé      ho     hé      h       h       h       h

elle, dont je n’avais pas su percer le moindre secret, elle que j’avais prise sous toutes les coutures sans jamais la comprendre, elle qui m’envahissait en pensée des jours et des nuits durant mais qui se foutait bien de mon effroi, elle qui était pour moi tout ce pays d’hiver insitué, elle dont la peau si pâle et si lisse avait la perfection de la neige, elle aux yeux d’iceberg, elle au sourire de banquise, elle la hache qui brisait la glace en moi.

La brume s’épaississait, nous la cherchions des yeux, nous ne la voyions plus, elle avait franchi la dernière frontière, elle dansait au fil informe de l’horizon ; funambule des frimas, elle faisait corps avec le ciel et la mer gelés. Vlad s’était assis sur un banc, sa canne entre les mains, il toisait le blizzard, la parfaite attitude du penseur, le regard noir du père Achab, l’ange de la mélancolie selon Dürer, et le compas de son ennui, c’était la bouteille de vodka qu’il sifflait et me tendait en essuyant ses grosses lèvres gercées.

Mes lèvres aussi se gerçaient sur le goulot de la bouteille, les morsures du froid s’avivaient, le gel poursuivait sa besogne implacable ; stalactites et stalagmites se formaient, se rejoignaient, se resserraient, dessinaient comme des fanons de baleine ; la glace prenait de toutes parts ; la banquise nous assiégeait en stridulant

Krrk kkkrkk kkrkkkk sikkkk sikkk siiikkk k    k k k 

 

[...]

 

 

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