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l'araignée givrée
9 février 2024

Journée Nicolas Bouvier à Kyoto

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De retour d'Hokkaido, journée Nicolas Bouvier à Kyoto. Sylvain Cardonnel est intarissable sur l'écrivain-voyageur : il connaît toute la chronologie des voyages de Bouvier dans le "pays extrême", il a tous ses livres dans son bureau, dont la fameuse édition originale de "Japon" chez Rencontre (1967), il a retrouvé les articles que Bouvier publiait dans la presse nippone pour gagner sa croûte, et il sait localiser le fameux pavillon de l'auspicieux nuage (Zuiun-ken) où NB vécut en 1964 ; il m'y emmène à vélo, mon sac chargé de livres.En feuilletant ces livres enfin rendus pour moi à la source dont ils ont jaiilli par la présence magnétique, illuminatrice, des images, tout me confirme les notes que j'ai grattées hier dans l'express Hakodate-Sapporo en relisant pour la énième fois la Chronique japonaise. Ce qui me frappe dans ces textes, c'est que la géographie de Bouvier est fondamentalement humaine : ce qui l'émeut ce n'est pas le paysage, c'est le visage. Non pas la "face de la terre" si chère à Julien Gracq mais la "terre humaine" telle que la concevait cet autre géographe, Jean Malaurie, l'homme qui parlait aux pierres et qui nous a quittés avant-hier. Photographe et iconographe avant même d'être un écrivain, NB a très tôt appris à lire dans les plis de l'âme. Capable de consacrer tout un paragraphe à la description d'un vieillard pour dire le génie d'un lieu, il est le contraire de ces misanthropes de notre temps qui fustigent à tout bout de champ cette touristification du monde dont ils sont eux-mêmes coupables - je pense à Sylvain Tesson, entre autres. Mais il faut dire que Bouvier voyageait dans un monde d'avant le masque chirurgical, le smartphone et la perche à selfie qui ont zombifié le troupeau plus efficacement que les bigoteries d'antan. Si Hokkaido lui a tant plu, c'est que les rencontres y sont plus émouvantes que partout ailleurs au Japon : un soir à Hakodate, un barman et sa femme m'ont pris dans leurs bras après quelques rasades de whisky. Dans un pays où l'on ne se touche pas et où 2000 ans de raffinement ont appris à ne jamais déranger un étranger, cela fait un bien fou de sentir un peu de chaleur humaine percer sous la neige.

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