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l'araignée givrée
5 février 2024

Danser sur la glace à Sapporo

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J'avais de nombreuses raisons de prendre le "chemin de la mer du Nord" - en japonais Hokkaido. La première est liée à Ino Tadataka - toujours lui. Le 3 juillet 1800, accompagné de 6 personnes parmi lesquelles son fils de 15 ans, le géographe autodidacte débarque à Yezoshima - "l'île des barbares", comme on appelle alors la 2e plus grande île de l'archipel, qui n'est japonaise que parce que le shogun, plus rapide que le tsar, en a décidé ainsi l'année précédente. Il mettra un peu moins de 6 mois à faire le tour d'une île peuplée de moins de 50 000 âmes - et encore, Ino trichera sur ce point car il n'ira pas au nord, sur la mer d'Okhotsk, qui doit être gelée en ce moment. Mais il sera le premier géographe à dessiner les contours d'une île jusque-là terra incognita. En août 1965 un autre de mes héros intimes débarque à Hokkaido : Nicolas Bouvier qui fuit la fournaise de Kyoto vient de remonter tout le Tohoku à pied et en bus sur les traces de Basho. Il fera le tour de l'île dans le même sens qu'Ino : contraire des aiguilles d'une montre. Il en reviendra avec les plus belles pages de son carnet nippon, enchanté par cette Suisse insulaire qui comptait déjà 5 millions d'âmes. Des toponymes dont personne n'a entendu parler en Occident apparaissent soudain sur l'atlas de la littérature. En 1988, Murakami fait de Sapporo le cadre de son roman Danse, danse, danse. Il neige tous les jours et le narrateur s'emmerde, mais il commence à lui arriver de drôles d'aventures qui transforment sa morne vie en roman kafkaïen et donnent envie, bizarrement, de retrouver le fameux hôtel du Dauphin. Enfin, depuis 1950, Sapporo est le théâtre du yuki matsuri, le festival de la neige. Aujourd'hui ce sont des millions de touristes qui affluent du monde entier pour retomber quelques heures en enfance et patiner sur le verglas avec plus ou moins de grâce parmi 200 bonhommes de neige et quelques statues taillées dans du cristal de glace. J'étais l'un d'eux. Tout cela serait un peu kitsch si c'était éternel mais justement c'est éphémère, alors "il faut danser tant que la musique durera." Pendant 24h à Sapporo, j'ai eu la sensation de danser dans la neige et sur la glace.

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