Une après-midi de novembre ordinaire à Kyoto, du côté de Gion et du Chion-in, où les geishas se photographient en traversent les petits ponts à petits pas dans leur kimono et leur socques de bois tandis que des écolières en uniforme font sonner les cloches des vieilles pagodes et se signent avant d'applaudir. Mais comme souvent c'est dans la paix des cimetières que règne l'esprit des lieux et que se dévoile l'idée qu'un peuple se fait du repos éternel : beaucoup d'arbres et de mousse, comme partout au Japon, l'ordre et la propreté sans l'ennui de nos dalles de pierres et ces étroites planches de bois taillées en biseau, dressées vers le ciel et qui évoquent de vieux skis norvégiens : ce sont des sotoba qui portent gravé le kaimyo, le nouveau nom des morts, celui qu'on leur donne après le passage dans l'autre vie. Nicolas Bouvier disait que ce qui l'avait le plus impressionné dans l'archipel étaient les femmes et les cimetières : les premières parce qu'elles donnent la vie, les seconds parce qu'ils veillent sur la mort.