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l'araignée givrée
5 janvier 2024

Tokyo, petits portraits du soir

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Revenir à Tokyo lorsqu'on vit à Kyoto, se coucher et se réveiller au dixième étage d'un hôtel face au Skytree, c'est un peu retour vers le futur - un futur fait de rêves et de cauchemars d'enfance (quand vous jouiez à Mario Bros et Godzilla sur votre supernes), un futur fait de gratte-ciel priapiques et d'enseignes psychédéliques, un futur fait de bruit et de fureur, mais un futur encore hanté par de petites poches de passé, de sorte que ces poches de passé, qui vous rendent aussitôt nostalgique d'un monde que vous n'avez pas connu et qui pourtant vous touche, peut-être parce que vous l'avez vécu dans votre adolescence grâce à la caméra d'un Ozu, d'un Kurosawa, d'un Imamura ou d'un Mizoguchi, vous vous mettez à les guetter partout, à travers la porte coulissante d'une izakaya, à l'entrée d'un temple enfumée par les bâtons d'encens, sur un banc du métro face à deux ecolières en uniforme, devant un pin qui dessine depuis Hiroshige la même spirale d'ouroboros, au comptoir d'un sushi-bar en observant le cuistot qui tranche le thon avec l'adresse d'un samouraï et malaxe le riz comme de la pâte à modeler, partout dans cette ville dont la grâce érotique et la candeur desarçonnante de ses habitants n'est jamais faite pour séduire le touriste mais simplement pour jouir du moment présent, cet "ima wa ima", devise du dernier film de Wim Wenders qui est le carpe diem japonais, "maintenant c'est maintenant", traduction du concept d'ichi-go ichi-e qui élève chaque instant de la vie au rang d'épiphanie, dans un pays où rien n'est jamais acquis, où la terre peut trembler à chaque instant, où les saisons mêmes sont éphémères (il y avait déjà comme un air de printemps pendant ces trois jours de début janvier à Tokyo) alors comme tout va très vite et que vous voulez capturer chaque instant, vous prenez des photos au hasard, un peu comme Hirayama san dans "Perfect Days", et vous vous dites qu'il y aura toujours un moment dans la vie pour penser/classer et se remémorer ces jours de printemps précoce dans la capitale de l'Est.

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