Un mois que je suis au Japon. J'ai déjà parcouru plus de 1000 km à vélo, plus de 2000 en train, j'ai fait le tour du plus grand lac du pays, de l'une des plus grandes îles de la mer intérieure, traversé 5 autres îles, visité des dizaines de temples, de sanctuaires et de jardins, remonté des dizaines de rivières, vu autant de cascades, dormi dans 5 hôtels et ryokan, plongé mon corps épuisé dans un sento et un onsen, vu des macaques et des renards, cueilli des dizaines de feuilles mortes, lu 5 ou 6 livres, écouté tous les podcasts de radio France sur le Japon, dégusté des dizaines de saké, écouté les moines psalmodier cent fois le nom d'Amida, noirci 63 pages de mon carnet, réalisé des dizaines de dessins et d'aquarelles, pris des milliers de photos, dépensé des centaines de milliers de yens, mangé des centaines d'onigiris et de sushis, goûté bien d'autres plats, marché je ne sais combien de pas, appris des dizaines de kanjis, de kataganas et d'hiraganas. Je ne donne pas tous ces chiffres pour faire le malin mais pour exprimer ma fringale du Japon. Je n'ai jamais fait partie de ces nippophiles furieux que j'ai croisés jadis à l'inalco et qui vivent en France comme s'ils étaient au Japon. Mon tropisme était assez vague, passait par le judo, les 12 formules du professeur Sato, l'ukiyo-e, Kurosawa, Nicolas Bouvier, Roland Barthes, Augustin Berque, les sushis, les katanas et la notion d'archipel. Je savais juste que je ne voulais pas attendre d'être trop vieux pour découvrir ce pays à l'autre bout de l'Eurasie. Mais pourquoi avoir attendu 43 ans ? C'est ce que je me demande aujourd'hui en faisant le bilan de ces 30 jours intenses, épuisants, stimulants, déroutants. Se réveiller tous les jours à 6h du matin, se coucher tous les soirs à minuit, ne faire aucune pause, vivre à 100 à l'heure car on est sans cesse galvanisé par ce pays qui ne vous laisse jamais indifférent, où votre esprit est sans cesse sollicité. J'attendais du Japon qu'il me mette dans tous mes états. Force est de constater que pour l'instant il est surtout parvenu à dégripper poignets et mollets, me redonner la joie d'écrire et de dessiner, de lire et de pédaler. Pourvu que ça dure !
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