La première neige est descendue du ciel ce matin sur la villa Kujoyama et avec elle a déboulé dans le jardin le premier tanuki, le fameux chien viverrin japonais, dont j'avais fini par penser qu'il était pure invention mythologique à force de ne l'avoir jamais croisé lors de mes virées à vélo. Je n'ai pas eu le temps de vérifier la taille légendaire de ses testicules - l'attribut principal des statuettes en terre cuite de bake danuki qui vous accueillent un peu partout sur l'archipel en guise de porte-bonheur - mais la taille totale de l'animal est plutôt celle d'un raton-laveur ou d'un chat que d'un chien. Ils étaient deux ce matin, deux tanukis sortis de l'hibernation et cherchant quelque chose à se mettre sous la dent. La bête n'est pas très féroce et même plutôt craintive, et à la vue de son masque noir et de sa fourrure hirsute, j'ai pensé à ma chatte Miya, la princesse impériale, que j'ai laissée là-bas en France, et qui me manque un peu mais aussi aux zibelines que Dersou Ouzala chasse en Sibérie dans le film de Kurosawa. J'ai dû penser aussi aux renards, les fameux kitsune japonais, car je revenais du sanctuaire Himukai Daijingu, le plus proche de la villa, où j'étais allé prendre quelques photos d'arbres sous la neige, un sanctuaire gardé par deux renards de pierre et aussitôt j'ai eu envie de partir pour Fushimi Inari Taisha, le sanctuaire shintô d'Inari, le kami dont le messager sur terre est un renard céleste, pour voir les beaux torii vermillons et les statuettes de kitsune saupoudrés de neige. La neige avait eu le temps de fondre au sol mais il restait encore un fin liseré blanc surmontant le linteau supérieur de quelques torii parmi les 30 000 qui se dressent là-bas depuis des siècles, dessinant un long tunnel orange zigzaguant sur plusieurs kilomètres entre les pins et les cryptomères : c'est un des lieux les plus touristiques de Kyoto mais ce matin, jour férié des 7 herbes du printemps, il y avait beaucoup de fidèles sur le chemin du renard céleste pour prier dans les nombreux temples qui scandent l'ascension vers le mont Inari, d'où l'on peut apercevoir les gratte-ciel d'Osaka.