Depuis que j'avais vu son pavillon et son ponton rouges en couverture du livre de Robert Weis, "Retour à Kyoto", je rêvais de me rendre au Daigo-ji, un des plus vieux temples de Kyoto, dont la pagode à 5 étages date du début de l'ère Heian (Xe s.). Grâce à une invitation de Nina qui a eu la chance d'y séjourner 2 mois avec son compagnon Xavier, j'ai pu garer mon vélo dans l'enceinte du temple, la nuit, alors que les illuminations d'automne électrisaient la scène du ponton et du pavillon se reflétant dans la laque noire de la mare, sous la pleine lune et les frondaisons un peu défoliées des momiji en feu. Dans le même temps, Xavier projetait une minuscule feuille d'érable tournoyante sur un grand écran, parmi les sons captés dans le temple et des accords de musique zen. La soirée haute en couleurs se poursuit en noir et blanc, à Pontocho, dans le bar Hachimonjiya, tenu par Kai Fusayoshi, le Willy Ronis japonais, vieux mage éméché au visage de hibou, qui ne dort jamais et vous sert ses sakés bien dosés et ses umechu-soda dans un capharnaüm où se croisent, parmi les piles de livres, les 33 tours et les boîtes de photos, de vieux anars, des artistes en quête d'inspiration et des étudiants fauchés. Nicolas Bouvier, qu'il a connu, avait raison de dire que Kyoto est "une des 10 villes au monde où il vaut la peine d'avoir vécu". Sur la porte des toilettes, cet écriteau en français : "Le temps s'arrête-t-il dans les toilettes ?"