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l'araignée givrée
20 novembre 2018

Une Odyssée cycliste dans une Europe à la dérive - à paraître le 6 mars 2019 chez Rivages

Couverture Ruben

L’Europe est une fiction qui cherche encore ses contours, l’Europe est une utopie qui se dérobe dans la langue de bois de nos palais et pourtant l’Europe existe, nous l’avons traversée. 4000 km à vélo, en 48 jours, d’Odessa à Strasbourg, d’Ukraine en France, avec pour fil bleu le Danube, que nous avons remonté de son delta dans la Mer Noire à sa source en Forêt-Noire. C’est à l’automne 2016 et durant l’été 2017, alors que je vivais à Novi Sad, en Serbie, sur les bords du Danube, que j’ai eu la chance, grâce à une mission Stendhal, de faire cette odyssée que je m’étais promise depuis longtemps, histoire de croiser mon regard d’écrivain, de cycliste et de géographe. Histoire aussi de vérifier que j’appartiens bien à une génération d’écrivains européens de langue française. L’odyssée commence à Odessa, en haut des fameux escaliers qui tombent dans la Mer Noire et se termine à Strasbourg, devant le Parlement européen, au bord d’un canal qui mène tout droit au Rhin.  

Ce livre est le deuxième épisode d’une suite européenne que j’ai commencée en 2014 avec La ligne des glaces.
À l'heure de la fermeture des frontières intracommunautaires et de la si mal nommée « crise des migrants », ce livre est un geste à la fois poétique et politique : éprouver dans ses cuisses et ses mollets ce qu’endurent les réfugiés qui traversent notre Europe à pied ; caresser l’idée européenne à rebrousse-poil, de la périphérie vers le centre ; écrire un récit d’arpentage qui suive le fleuve au pixel près et qui tente de rééquilibrer la part des Balkans, privilégiant la description des paysages et de la vie des gens ordinaires, là où Danube, le roman célèbre de Magris, centré sur le mythe de la Mitteleuropa, s’intéresse avant tout aux œuvres littéraires et aux dates marquantes de la mémoire européenne. Tout au long du trajet, nous nous sommes efforcés, Vlad et moi, de nous montrer attentifs aux souvenirs des grandes invasions et de l'Empire ottoman, aux traces laissées par les nomades et les Turcs dans les paysages, les langues, les modes de vie, l'architecture, afin de révéler la part d'Orient qu'il y a en nous, la part d’Orient qui subsiste en Europe.

Car l’Europe existe mais ne se limite pas à la fiction européenne dont nous élirons dans quelques mois les députés. On connaît le mot fameux de Mauriac à propos de l’Allemagne. Moi aussi, j’aime tellement l’Europe, que je préfère qu’il y en ait deux. Et justement, contrairement à ce que l’on veut bien nous faire croire, il y a encore, malgré tous les élargissements entrepris depuis 60 ans, deux Europe en 2019 : il ne faut pas oublier que plus de la moitié de l’Europe continentale se situe en dehors de notre Europe communautaire. C’est l’Europe gazeuse, nomade et tzigane, l’Europe des autres, qui n’ont pas besoin de monnaie commune et de traité constitutionnel pour se sentir exister.  Sur une bonne partie de son cours, le Danube est encore un fleuve frontière, qui sépare les deux Europes, coupant la Croatie de la Serbie, l’Ukraine de la Roumanie. Le Danube est notre Rio Grande, les Balkans notre Mexique. Et ce livre une tentative de réécrire l’Europe à vélo, sur ses frontières, comme Kerouac rêva de réécrire l’Amérique en bagnole, d’est en ouest.

Oui, le vrai sujet de ce livre n’est pas le Danube mais l’Europe. Enfin, ce livre est aussi, comme tous mes livres, la quête d’un pays imaginaire, la poursuite d’un souvenir d’enfance. Tous les livres que j'écris proviennent d'une même matrice : l'invention, à neuf ans, le jour de la chute du mur de Berlin, d'un pays primitivement situé en Forêt-Noire, déporté plus tard dans la Mer Baltique, parce qu'un grand-oncle, ancien parachutiste, qui avait longtemps servi à Baden-Baden, m'accusait d'avoir « annexé les sources du Danube » ! C’est donc en me souvenant de ce petit pays danubien, la Zyntarie, que j’ai compris qu’il me faudrait absolument entreprendre ce voyage initiatique, cette remontée aux sources de l’écriture et de l’imagination pour en revenir avec un livre, le livre que voici.

Capture d’écran 2018-11-20 à 19

 cartographie (c) Jean Worms 

Commentaires
L
Encore bravo Emmanuel Ruben pour votre écriture , vos projets .Continuez votre bel itinéraire. Une ancienne de l'atelier d'écriture de Jérusalem.
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N
Un livre que je note pour ne pas oublier de le commander :)
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l'araignée givrée
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