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l'araignée givrée
22 décembre 2017

Transmettre

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Il y a dix ans, le 22 décembre 2007, s’éteignait Julien Gracq – alias Louis Poirier. Les Rencontres Gracq à Saint-Florent-le-Vieil, le lycée Henri IV à Paris, bientôt le lycée Clemenceau à Nantes ont célébré ou célébreront cette décade intimidante en insistant sur ce qui demeure vivant dans cette œuvre : la part belle donnée aux lectures à voix haute nous rappelle que Julien Gracq fut une voix, si singulière qu’elle nous manque aujourd’hui pour chanter la plante humaine, lire la face de la terre et garder les yeux ouverts car il fut, on l’oublie parfois, en plus d’un styliste hors pair, un observateur scrupuleux – souvent caustique mais jamais triste, jamais réactionnaire – de notre société. Julien Gracq n’aimait pas les anniversaires, ni les cérémonies et nous ne savons pas ce qu’il aurait pensé des doubles funérailles dans la nation France, qui ont vu l’Elysée célébrer en grande pompe un académicien et un rockeur : il n’y a pas d’entrée, dans l’index de la Pléiade Julien Gracq, à Jean d’Ormesson ou à Johnny Hallyday. 

Julien Gracq n’aimait pas les anniversaires, ni les cérémonies, et nous nous sommes contentés, ce 22 décembre 2017, de déposer sous la plaque noire, discrète, où sont gravés ces noms, LOUIS POIRIER JULIEN GRACQ, quelques fleurs coupées.

Julien Gracq n’aimait pas les anniversaires, ni les cérémonies, et nous n’irons pas nous pencher au-dessus de l’urne qui recueille ses cendres avec sur le bout des lèvres cette question qui électrise toute son œuvre : qui vive ? Dans un texte consacré au centenaire de la naissance de Rimbaud, Julien Gracq se moque des thuriféraires qui veulent arracher des explications à celui qui fut trop tôt parti ; il rappelle que Rimbaud fut avant tout un « poète de l’affirmation » : comme si, par ses poèmes, il « s’était borné, écrit Gracq, à transmettre. » Et l’italique souligne ici le sens électrique du terme. L’œuvre de Gracq se passe tout aussi bien de commentaires et sa vie – presque centenaire, près de trois fois plus longue que celle de Rimbaud – n’a pas besoin de musée pour nous être racontée ; c’est la raison pour laquelle la Maison Julien Gracq n’a pas pour mission de conserver des traces du veilleur de Saint-Florent-le-Vieil ; la Maison Julien Gracq n’a d’ailleurs pas à proprement parler de mission ; car ce n’est pas de mission qu’il s’agit ici mais de transmission : dans le bureau que m’a légué Cathie Barreau, qui a créé ce lieu de tous les émerveillements, j’ai laissé sur le mur cette injonction de Louise Michel : « apprendre toujours et transmettre ce savoir ». Transmettre – au sens électrique, dans la fièvre et la bonne humeur – le goût de la littérature, des arts, et des savoirs : c’est pour cela que la Maison Julien Gracq se dresse aujourd’hui – grâce au legs capital de son ancien propriétaire – sur les rives de la Loire.    

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