Samedi 3 octobre, je serai de retour à Saint-Forent-le-Vieil, à la Maison Julien Gracq, à l'invitation de l'ami Arno Bertina qui vous a concocté, pour ces huitièmes journées, un programme fort alléchant car il y sera question de "tous les corps de Gracq". Le maître nous a quittés en décembre 2007, nous ne recevons plus ses petites lettres griffonnées en pattes de mouche mais on sait grâce à Kantorowicz que le roi mort, il vit encore, qu'il s'appelle Amfortas ou Cophetua - et c'est bien son corps second qui nous intéresse aujourd'hui, celui qui continue d'exercer son empire sur notre esprit, que ce soit grâce au papier bible de la Pléiade ou aux non-massicotés de l'éditeur à la rose des vents.
Une fois n'est pas coutume, nous parlerons davantage d'éros que d'érosion (je salue au passage l'ami Jean-Louis Tissier, de qui je tiens le jeu de mot) à propos de celui qui nous a quittés il y a huit ans.
Voici, plus sérieusement, comment Arno Bertina justifie ce choix salutaire qui ne manquera pas de faire reverdir l'approche de cette oeuvre :
"Dans l’œuvre de Julien Gracq, la géographie a occupé une place si féconde qu’elle a pu en occulter l’autre versant physique : celle des corps qui se font face, qui s’aiment et se désirent ou rivalisent et se repoussent. Des femmes éthérées, vénéneuses ou passionnées ; des hommes à qui les armes ne procurent plus aucune excitation, que fascine la part d’ombre attachée à l’Eros… Toutes ces figures peuplent cette œuvre, et ce sont elles qui seront convoquées cette année à Saint-Florent-le-Vieil, car cette question érotique a indubitablement contribué à tendre et façonner la phrase et les livres de Julien Gracq."
Si vous faites l'effort, en ce premier week-end d'octobre, de sauter dans un train pour Angers puis dans un autre pour Nantes et si vous n'oubliez pas de descendre à Varades lorsque vous voyez se dresser le clocher phallique - quoique octogonal - de l'abbaye de Saint-Florent, vous aurez la chance de pouvoir écouter, entre autres, Alain Fleischer, Marianne Alphant, Michel Volkovitch, Stéphane Héaume, Mathieu Riboulet, Alban Lefranc, Nicole Caligaris, Jean-Louis Tissier et Jacques Boisleve.
Pour ma part, je me pencherai sur la question de : l’éros gracquien lu à la lumière de ses contemporains en parcourant le cercle des amis licencieux : André Hardellet, André Pieyre de Mandiargues, Nora Mitrani, Max Ernst, Hans Bellmer, Bernard Noël, etc. Ce sera le dimanche 4 octobre à 17h à l'auditorium de l'abbaye en compagnie de Jacques Boislève et d'Arno Bertina.
Je ne chercherai pas tant à savoir si l'étrangère de la prose avait vraiment les cheveux blonds et les yeux bleus quoique la question se pose... Le but de cette conversation ne sera pas de tenter d’expliquer l’éros gracquien par des anecdotes tirées de sa vie. Notre conviction est qu’il ne faut pas chercher la réponse dans un autre corpus que celui que l’auteur nous a livré : le vrai corps de Gracq, ce dont nous avons hérité, c’est sa phrase. Il s’agira donc d’explorer le texte lui-même, de l’analyser en détail et de le faire résonner en le comparant à des œuvres contemporaines proches, amies, dans lesquelles Gracq se reconnaissait en partie, où il entendait l'écho de voix complices.
Je ne vous en dis pas plus. Vous n'avez pas le choix, venez. Au fait, voici, derrière l'affiche alléchante - on se demande d'ailleurs, Arno, qui a posé rue du Grenier à sel ? - le roboratif menu :
http://maisonjuliengracq.fr/spip.php?rubrique66